La vérité m’endort, je lui préfère le rêve. Le rêve est prometteur, le rêve est délectable. Jamais il ne déçoit : en soi, déjà, il lève Tous les doutes sur le Mal et le Bien. Il accable Les brigands, les espions, et récompense les braves. J’aime le rêve parce qu’il est l’accomplissement des temps Immémoriaux. Jadis, les mythes avaient de grave Et de sérieux le ton, le rythme et les Sultans Etaient de vrais héros, comme les vierges diaphanes Qui gardaient dans l’encens les portes du Sacré. Aucun preux chevalier ne pouvait prendre Diane S’il n’avait combattu les dragons du Pyrrée. Les voyageurs prudents étaient inexistants Et qui s’aventurait vers de vastes contrées Par des mers inconnues n’avait pas d’assistan- Ce, se devait de trouver seul du réconfort Dans les livres, les prières, les cultes consacrés Ou mourrir de torpeur devant un monstre mort. Naguère, tous ces rêves étaient Légende vivante; Les forts, les animaux, les grenouilles, les plantes Tout était harmonie, les êtres, de concert, Contribuaient tous un peu à constituer le Mythe. Lors les étoiles brillaient comme mille abat-jour Et nul ne résistait à l’appel du mystère. Aujourd’hui l’Epopée est devenue monolithe Et nul ne combat plus pour gagner les atours Des sublimes princesses, des fées de la forêt. Mais moi je convaincrai la muse des étoiles A voguer sur les eaux, la nymphe aux doux atraits Je saurai lui donner l’envie de prendre les voiles Et nous naviguerons ensemble vers des pays Qui jamais nul ne lassent, où tout bouge, où tout vit.