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Serge PENIN

"Madame le femme de "

« Madame la femme de » n’a aucun intérêt,
Pourtant vous la verriez, elle s’agite sans arrêt.
Le matin de bonne heure elle court chez son coiffeur,
Puis si en a le temps, se rend chez son masseur.

« Mais comment se peut-il, il est déjà midi ?
Marie, mettez en moins, je vous l’ai déjà dit !
Gaston conduisez-moi mon bridge n’attend pas.
Vous en reprendrez bien, je les reçois de Spa. »

Profondes conversations de potiches maniérées,
Parlant de tout, de rien, vomissant du venin.
Reine de la critique et des pointes acérées,
« Madame la femme de » cultive le dédain.

« Mais comment se peut-il, il est déjà seize heures ?
Veuillez me pardonner, mais on m’attend ailleurs.
Au revoir chère amie, amitiés à Lionel.
Gaston, arrêtez-là tout près de cet hôtel ! »

C’est l’instant attendu de l’amour interdit,
Sordide cinq à sept des jours de perfidie.
En prenant ces deux heures de plaisir clandestin,
« Madame la femme de » baise comme une catin.

« Mais comment se peut-il, il est déjà si tard ?
Ce soir nous recevons la famille Potard.
Marie ma pauvre fille, ce que vous êtes bouchée !
Oh ! François-Xavier, vous n’êtes pas couché ! »

La voici dans le rôle « maîtresse de maison »,
Distillant pour faire rire ses mots dans le poison.
Le cocu bien heureux s’esclaffe en bon balourd,
« Madame la femme de » manie aussi l’humour.

« Mais comment se peut-il, il est déjà minuit ?
Chéri, vous m’entendez ? J’ai cru mourir d’ennui.
Si vous saviez mon cher comme je suis éreintée,
Vous n’auriez pas cet air de cocker attristé ! »

Déjà l’impitoyable dort du sommeil du juste
Et des rêves inavouables font frissonner son buste.
Epouse de grand bourgeois ou de petit notaire,
« Madame la femme de » est une femme ordinaire !