Je regarde passer sous mes yeux ahuris Ces bas de pantalons, tous ces ourlets meurtris Qui insultent mon art, mon travail d’ouvrière Mon savoir manuel, mes doigts de couturière. Non, ne le blâmez pas, ce courroux effronté Ce cri coûte si peu au dessin éhonté ! Modélistes ingrats, stylistes d’infortune Exercez vos talents ! La mode est opportune !
L’outrage vous stimule, ô jeunes insoumis Qui, d’un bleu déhanché, gagent des compromis. Loin de vous cependant, ce trésor qui s’amasse, Le filon qu’est votre âge aux productions de masse.
Tandis que vous rêvez dans vos jeans délavés, Râpés, par l’industrie aux dépôts emblavés Pour le goût éphémère aux accrocs synthétiques Qui braisent le regard des marcheurs pathétiques, Je découds et je pique au long de jours sans fin Les glorieux habits, le textile surfin, Ces tissus éloquents, les fibres libertines Qui chantent les attraits de vos courbes mutines.
Ou s’est enfui le temps du joli vêtement, Des flanelles, satins, lins, qui, secrètement, Par lestes vibrations, dans le vent, sensuelles Embellissent les corps d’avenues en ruelles.