Me souririez-vous ?
Tranquillement calé dans mon fauteuil qui pleure,
En lancinants grincements qui comptent les heures,
Je vous attends impatiemment, comme un enfant,
Excité et joyeux, le coeur ouvert en grand.
Me rejoindriez-vous où s'inscrit le présent ?
Aux lignes où les vers se vident d'un trait lent ?
Me reliriez-vous l'histoire de l'ombre, du vent ?
Laisseriez-vous encor se délivrer l'accent,
Au début de la nuit quand le noir prend sa place,
Aux murs de nos vies, prisonniers de nos espaces ?
Vous endormiriez-vous au lit d’une rose agile,
Ivre du parfum des premiers bourgeons d'avril ?
M'aimeriez-vous toujours en effeuillant l'histoire,
D'une débordante passion qui crie victoire,
Au monde, aux foules, à l'univers et aux étoiles,
Où les secrets de vie s'échangent et se dévoilent,
Là où les corps brûlent et s'enflamment de désir,
À l'harmonie d'un mélange, au chant du plaisir ?
Me donneriez-vous l’espoir de venir demain,
À la lueur d’un ciel découvrant le matin,
À l’aube d’un jour sans fin, d’un nouveau destin,
Au bruit d’une source folle, au creux d’un ravin ?
Ou, me laisseriez-vous, abandonné, idiot,
La plume en larmes, cloîtré au fond du bureau,
Aux pages stériles, aux sangs des encres moroses,
Souffrant du manque de vous, le coeur en névrose ?
Ou, m'oublieriez-vous, d’une simple amourette,
Comme se consume le feu d’une allumette ?
Au chant fier d’un jeune coq chassant la poulette,
Au sourire ravageur d’un bellâtre en goguette ?
Ou, me souririez-vous encor d’un air canaille,
Comme une enfant rebelle un jour de fiançailles,
À la ruse du vent sur un chapeau de paille,
À l’abri de la pluie, sous des voiles en bataille ?
Ou, prendriez-vous ma main, d’un geste incertain,
D’une émotion qui passe, au son d’un doux refrain,
D’une larme qui trahit le bonheur en partage,
Au bout d’une longue allée, un jour de mariage ?