Montrez-les moi vos mains.fin
...Mes mains, je vous avoue, c’est depuis que je fonds
De tendresse pour vous… Comme ils ont eu raison !…
Ils n’ont vu que l’horreur, la laideur de vos formes,
Moi, j’y vois le labeur d’une vie, c’est énorme !…
Ils n’ont vu que les veines bleutées en transparence,
Moi, j’y vois de la peine, de la persévérance.
Mes ongles, ils ont fixé, d’un petit air narquois ;
Pauvr’ongles décharnées, pardon ! Honte pour moi !…
Honte d’avoir passé mes nerfs, pauvres victimes,
Sur vos extrémités laborieuses, anonymes.
Ils n’ont pas inspiré la pitié dans mon coeur,
Mais plutôt, la fierté et le sens des valeurs ;
Car ce n’est pas, mes mains, votre honnête apparence
Qui fait votre destin, ce sont vos compétences.
Mes mains, je vous vénère, je suis fière vraiment
De votre savoir-faire, votre humble dévouement.
Vous étiez aussi dures que vilaines mes mains,
Fragiles de nature, vous méritiez grands soins.
Je vous ménage enfin, supprime tous travaux…
Vos efforts ? Plus besoin… Je vous mets au repos,
Soulage vos douleurs rhumatismales ou autres,
Par l’effet de chaleur en frottant l’une et l’autre.
L’esclave, désormais, c’est moi, je vous bichonne,
Vous masse sans arrêt et vous couvre d’or jaune.
Je joue les manucures, coupe, lime, vernis…
Vous serez, je l’assure, mes mains, les plus jolies.
Je vous veux dignes et belles, mes mains, pour leur prouver
Que vous êtes de celles qu’on peut encor’montrer.
Pour leur prouver, mes mains, n’ayant vu que [l’ouvrage,
Que vous êtes plus sages que tous ces beaux crétins.
Votre beauté, mes mains, ne sera comparable
Qu’à toute la bonté dont vous êtes capable.
Montrez-les moi vos mains ? Je dirai qui vous êtes :
Usées ?… Homme de bien, travailleur et honnête,
Lisses et belles ?… vous faites un fieffé bon à rien
Parfois moqueur et bête… Montrez-les moi vos mains ?…
Fin