Je ne suis plus « QU’UN VIEUX CROCODILE EDENTE ». Je vais à la dérive Tel un tronc d’arbre mort. Mon œil verdâtre étire, Par des siècles domptée, Sa longue indifférence … Je ne connais jamais la peur ni les remords. Ma cuirasse reluit aux feux blancs de l’errance. Je suis le CROCODILE flagellé de fureur ET je porte sur moi la fange du Déluge … Quand parfois fatigué par un épais sommeil, Dans l’éblouissement d’un baiser du soleil, « Je pleure » … Je suis le CROCODILE. Un revers de la queue Fait frémir les roseaux en forme de fuseau Quand les petits oiseaux picorent mon museau : « Je suis le CROCODILE » … Au fond du marigot, je cherche le mystère, Sous les odeurs fétides De la végétation en décomposition. Au sourd bouillonnement des glauques solitudes, Je vais, très lentement, dans un bâillement triste, Haletant du désir de mes mille chimères. « Je suis le CROCODILE « Qui ne reconnait pas dans l’ai tiède et subtil Les hymnes d’autrefois :
O flots sacrés !!! Les dieux m’ont oublié !!! Par les sentiers perdus où l’herbe épaisse fume, Je vais, L’œil au guet, Dans le vert paradis aux fluides diamants … Hélas !!! trop de fraîcheurs ont refroidi mon sang … Je vais à la dérive Tel un tronc d’arbre mort, et je pleure Les voluptés amères Et mes mille chimères, Je pleure Sous les horizons d’or, Comme seul sait pleurer « UN TRES VIEUX CROCODILE » Tristement … « EDENTE » …
Le CROCODILE (Composition pour un ami, inspirée par les poèmes de LECONTE DE LISLE)