Tuer une fourmi n'est cause de remords. Celle-ci cependant avait fait des efforts Pour vaincre le danger et demeurer en vie, Dépensant jusqu'au bout une immense énergie.
On tue une fourmi venue se satisfaire Dans un garde-manger où à l'aise elle flaire On s'étonne fâché, qu'elle ait su pénétrer Dans cet endroit fermé qui cache ses attraits.
On ne voit qu'un moyen : taper sur la coupable Qui, immédiatement, file et se croit capable, De se rendre invisible plaquée sur une boîte. Il faut tout chambouler car l'intruse est adroite.
Or quand elle est bloquée, l'assiégée non rendue, Se débat acharnée mais sa peine est perdue. Sans aucune pitié pour l'ardente guerrière, On l'écrase et l'emporte comme grain de poussière.
La journée avançant, on oublie l'incident. Au jardin, à nouveau, quelques oiseaux prudents, Picorant à leur aise le gazon vert et dense, S'envolent à notre vue, ne prenant nulle chance.
Nous lançons à l'envi de gros morceaux de pain, Sans en séduire aucun; notre espoir reste vain. Ils savent qu'il y a en nous la violence Dont nous-mêmes n'avons aucune conscience.