Ce cri de porte en porte, nul ne le supporte. Elle est partie la vieille, partie vers l'au-delà, Partie sans rien entendre du bruit de l'heure qui sonne. Personne des environs n'a su qu'elle n'était plus. Je la revois encore toute vieille, ratâtinée, Comme courbée sous le poids d'on ne sait qu'elle douleur. Elle n'avait pas d'enfant, elle était seule au monde, Seule avec son passé, seule avec ses souvenirs. Sur son visage fâné naissait quelque sourire, Vite remplacé par je ne sais quelle langueur.
J'ai conçu le projet d'interroger la vieille. J'ai voulu lui faire dire ce qui s'passait de son temps. Etait-on libre d'aimer, d'avoir un amant? Mes questions sont là, mais la vieille est partie. L'ambulance est venue, on écarte les badauds. On l'enveloppe de draps qui avaient été beaux. A la morgue où bientôt on la déposera, Elle restera encore toute seule ici-bas
Dire qu'elle a eu vingt ans, dire qu'elle était comme moi, Complimentée, aimée, entourée, adulée. Qu'elle a senti son coeur battre sous quelqu'émoi… Mais où sont donc tous ceux-là qui l'ont aimée jadis? Pense t-elle parfois à eux quand je la vois si triste? Ils sont tous partis lui laissant pour présent, Rien que de profondes rides qu'elle n'avait pas avant. Aucun de tous ceux-là qui l'ont aimée jadis N'a voulu être là à l'heure de son trépas. Elle est morte la vieille, être seule fut son supplice Dejà pour qu'on l'enterre, j'entends sonner le glas!
