Ne le violentez pas celui qui danse encore Sur une table invitée à chanter dès l'aurore, Une fois achevée la nuit de ses cent ans Contemplant l'innocence de ces quelques enfants Qui passent devant lui sans même remarquer Le visage presque chaud d'une main abimée, Déchirée par le temps, creusée dans le destin D'une vie décalée, regardez mieux sa main : Elle tremble d'impuissance, appelant votre amour A s'ouvrir comme tombe l'évidence de vos jours Elle appelle la beauté puis, nourrie d'impudeur, Raconte les secrets qui s'agitent en son cœur.
Ne le salissez pas de trop d'indifférence, Quand l'ombre se fait claire au milieu de l'errance ; Hideuse ingratitude, vous tournez les talons, Quand le jour apparaît à deux pas du balcon Que jamais il n'enjambe pour ne pas délaisser Les appels au secours de vos larmes mouillées. Puis très vite dans un coin, repose cette guitare Qu'il avait ressorti le matin d'un beau soir Pour calmer la douleur et pleurer l'abandon De vos petits chagrins qu'il expulse en chanson Sur un chemin d'espoir auquel il ne croit plus, Il transforme la souffrance en une sorte de vertu.
Ne le torturez pas ! Soyez plutôt de ceux Qui voudraient caresser le profond de ses yeux, Se noyer dans ses veines pour enfin respirer Le parfum si paisible de la fragilité, Qu'au détour d'une rime il retient en cauchemar : Une vie sans accord, un accord sans regard, Et voir comment l'artiste revient à la nature, Avec nos joies, nos peines, vous l'avez vu bien sûr, Remonter cette pente un peu à votre place, Absorber les chagrins de vos tristes impasses, Souriant malgré tout aux couteaux endiablés... Il est de ces personnes qui ne meurent jamais.