De Céline et Camus, Je n'ai retenu que l'insignifiance de ma vie, Mon indigeste foi en l'humanité Et mes bévues.
J'ai appris que l'homme N'est que son propre projet en gestation Et que la vie est son terrain de prédilection.
J'ai appris de ces gladiateurs de l'absurde Que les dévots de l'abime Ont l'illusion comme collier Les cœurs spoliés, Les mains liées; Et sur leurs fronts se fige Comme une floraison satanique L'abjecte image de l'ennui.
Auprès de ces seigneurs du verbe rebelle, J'ai appris à côtoyer la nuit, à sourire à plein dents à l'ennui Et à engrosser mon regard juvénile De doutes insondables, Et de suspicion fertiles.
J'ai appris que le suffisance des opinions Enrobées dans la soie de la raison Est en fait une parfaite prison.
J'ai appris à considérer la déchéance avec détachement, Et à mépriser intellectuellement L'humanité dans ses ultimes retranchements. Dans son hypocrite désarroi face à ses démons.
J'ai appris à mépriser mon élan cupide Et à semer dans mon âme Les graines de l'absurde.
J'ai appris à bannir de mon attirail verbeux La cruauté, la beauté ou la sensibilité. Tout prend dans mon vocabulaire fielleux Un sens giratoire pour la moralité.
Et plus que tout, J'ai appris par un détour malsain à accepter la déchéance de l'humain De ne point m’émouvoir Devant la traîtrise du destin Et de psalmodier ce qui me reste du divin.
J'ai appris après bien des péripéties Que notre voyage va jusqu'au bout de l'ennui.