Ami, je me surprends à embrasser un gant ; Je porte à mes lèvres ces doigts vides et doux, Mon regard se noyant dans un rêve méchant, Guidé par la fièvre de mon esprit jaloux.
J'imagine, défait, que s'y glisse ta main, Dont la tiède caresse a séduit tous mes sens ; Son fin dessin parfait s'abritant du regain D'une pluie épaisse dont la haine est intense.
Folle de ne mordre la pâleur de ta peau, Elle reluit en pleurs sur l'étale de cuir, Que ta houle, ô splendeur, se charge de séduire.
Horrible désordre ! Je ne trouve repos, T'observant me trahir par un geste émouvant Quand, ivre d'un rire, tu enfiles ce gant.
Le monde toiserait ce jeune homme malade Qui dans un acte fou se cajole d'un gant, L'embrassant sans arrêt, si tendre et en pléiades ! Lui qui se dit jaloux de cet humble présent.
Mais le monde ignore cet amour qu'il ressent Pour l'être qui... demain s'y plongera heureux Quand il subit encor les peines de l'amant, Accablé du destin qui veut se moquer d'eux.
Je reconnais l'envie dans mes yeux débordants. Ils voudraient pour la vie bien remplacer ce gant Qui pourra partager tous tes moindres instants !