Te souviens-tu des lis qui ornaient le jardin, Et des pins parasols aux odeurs raffinées, Des tamarins en fleurs, des frêles papyrus, Que les jeunes enfants cueillaient pour l’écriture ?
Après avoir longtemps ramé sur les eaux bleues De ce fleuve divin, je m’étais reposé Près d’une étrange hutte dont ta paisible mère Protégeait les abords des renards du désert.
C’est là que tu parus, en toute ta jeunesse Rayonnant solitaire sur ton radeau sanglé. Je pourchassais les carpes de mon arc léger. Tu vins près de la rive lentement m’accueillir
D’un sourire charmant. Le crépuscule naissait Quand nous fûmes en vue de l’immense demeure. Il nous fut préparé un plantureux festin. Or mon père devisait en compagnie du roi,
Le luth et la cithare entonnaient des arias. Cette nuit tu devins mon premier serviteur. Khépourê, fils et frère, ta calme compagnie Comblait toute ma vie et reposait mon âme.
Alors je parcourais le monde de l’Egypte, Baigné par l’amitié que tu me prodiguais. Le souverain discret qui t’avait remarqué Parvint à nous céder un de ses chars ailés.
Dès l’aube nous volions poursuivre les gazelles Dans les sables perdus des ruines ancestrales. Au temple où célébraient les trois vierges vestales, Pharaon me promit à la princesse royale.
Ankhenamon, ma tendre épouse s’amusait. Ta présence chez nous lui était agréable. Clémente, elle acceptait notre complicité. Au bout de deux années, m’enchanta de deux fils,
De trois filles qu’ensemble vous avez élevés. Au fond d’un mastaba de granit veiné Fut scellée de mon père la momie vénérée. Comme scribe du roi, je dus lui succéder.
Un jour à travailler à la dictée des plans On vint nous annoncer que tu avais vécu... Une douleur intense me plongea dans les bras De Pharaon secret. Naquit un nouveau fils.
En souvenir de toi, Khépourê fut nommé. Je sus que tu étais revenu parmi nous. A notre grand émoi, sublime tu perçais Toutes les qualités qu’autrefois tu domptais.