Dans son pardessus à doublure de courant d’air Il marchait couvert de son traîne misère Dans une poche profonde une boite en fer blanc A l’intérieur bien rangé vingt soleils d’argent
Une photo jaunie lorsqu’il avait vingt ans Un bout de ficelle, vingt centimes et un cure –dent Et la photo d’une femme et de deux enfants Les seuls souvenirs de son bonheur d’avant
De son âme brisée on voyait l’œil du monde Mystérieux comme le sourire de la Joconde Cet œil vitreux lisait entre les étoiles Une vérité limpide flottante dans un voile
Son plus fidèle ami, sa vieille chienne Ortance Sphinx d’or figé, gardienne de son silence Quand il s’abreuvait de vin, carburant à rêve De ces grandes ailes il survolait la grève.
Pour se poser dans un grand champs de Provence Près des maisons claires de saint Paul de Vence Il entendait encore le rire jovial de sa mère Se confondre avec la lavande et la mer
Son doux regard palais des mille et une nuit Où des anges s’arrêtaient pour un bain de minuit Il entendait parfois sa douce voie dans le mistral Le bercer sur une mer bleue de cristal.
Le froid de l’hiver le sortait de son rêve Il devenait un arbre privé de sa sève Un acteur devenu muet sur une scène Un forçat de la vie qui accomplit sa peine