L'enfant roi
Ils sont partis, droit devant,
Troupeau effrayé, affamé,
Au plus profond d’un désert,
Chercher la part de rêve
Qui leur appartient.
Au fil des dunes, la chaleur étouffante,
Ils tombent inanimés.
Les vieux sont les premiers,
Les bébés, trop lourds fardeaux
Sont déposés sur le sable trop chaud.
Au soir qui tombe
La funeste caravane,
Ne compte plus que quelques fantômes, Entêtées,
Qui continuent d’avancer
Comme des ombres tourmentées.
Bientôt reste le dernier,
L’enfant roi d’un peuple décimé.
Sa tête semble si grosse
Et ses membres sont si fins.
Il n’avancera plus, il le sait bien.
Il ne peut plus, ici sera bien.
Agenouillé sur le sol,
Les yeux exorbités.
Comme un sourire sur les lèvres,
Derrière lui les mouches se partagent ses frères.
Du haut des dunes, des grains de quartz
Viennent lui griffer le visage.
La nuit est froide, le ciel clair.
Les étoiles illuminent ce linceul improvisé.
De ses lèvres desséchées naît,
Une plainte gutturale et apaisée
Une mélodie clownesque,
Mélange de râle, de toux, de pleurs de peur.
Son corps ne souffre plus.
Trop maigre, trop faible.
Ses yeux se lèvent vers le ciel, vide…
La lune, belle, le regarde.
Assis au milieu de son royaume,
Il sourit, il sait que cette vie est finie.
Ces bras ne le soutiennent plus,
Son corps bascule sans bruit,
Bouche ouverte, face ensablée.
Ses yeux sans larme s’éteignent.
Son dernier souffle s’enfuit dans le silence, immense…
En Occident nul n’en saura rien.