Dans la cluse printanière Le bitume file droit À l’écart, un village blotti Où la route se torsade Usé, le goudron se creuse Le ruban est si maigre Qu’il faudra se garer Si l’on doit se croiser
Le soleil se voile L’air ambiant fraîchit Je reviens en automne Je passe des hameaux Repliés sur eux-mêmes Oublieux d’aujourd’hui
Un chevreuil, furtive vision Aurait-il pieds d’homme Ou couronne de roi À moins que ce ne soit Un esprit qui voyage
À moitié de la pente Le ciel lâche ses flocons D’abord épars puis drus Dois-je continuer Ou rebrousser chemin J’hésite, je tremble
Je me hisse sur les ombres Un replat, c’est le mont Me voilà arrivée Des sentiers convergent Les fossés débordent de neige Le vent fait de traverses Me chuinte des histoires Dans les replis des pierres
J’aperçois des toitures Vieilles granges rompues Aux cheminées muettes Sous l’épais manteau blanc Pas de fil de fumée
Je ne peux résister Dans l’un des ventres creux Je marche sous le regard des dormeuses Jadis, elles abritaient des hommes Aujourd’hui elles veillent Sur le silence
Je me crois chaperon Suivie par compère loup Où serait donc mère-grand Il faut aller au bout
Au bout est une maison Un puits et son chapeau Un four qui mitonne Des petits pains joufflus Un drôle de bonhomme Qui sourit à ma vue
Son rire franc éclabousse L’hiver qui s’enfuit Le bleu de paix revient Soudain et bienvenu Et quand l’édredon fond Ne reste que quelques flaques
Je regagne sans hâte Mon carrosse des rues Le serpent à dos moite M’entraîne dans la pente En bas la nature chante
Au sommet de l’abrupt Le mont s’est endormi Il a les pieds au sec