Une chemisette à carreaux Un sac à dos Un chapeau à rubans
Une journée, bleue Dans le commencement de l’été Dans les éclats d’un soleil insolent
Devant elle, un chemin Déjà chaud des heures qui s’annoncent Elle va le quitter Ce chemin qu’elle connaît trop bien Elle l’ignore encore Mais elle tourne la tête, à droite
Là-bas, elle n’est jamais allée Là-bas, la forêt, ses ramures épaisses Là-bas, les buissons touffus, les bêtes à éviter Là-bas, aujourd’hui, s’aventurer
À quel prix ? Elle l’ignore, encore
Un mouvement désinvolte Un pivot sous les doigts Cheveux lâchés sur la nuque Menton relevé Pied fixé sur le point foncé
Sur le chemin gorgé d’été Une femme Chapeau de paille dégoté au fond de la remise oublié Sac éculé récupéré, empoussiéré Chemisette à carreaux du mari qui l’a quittée
Une grande respiration Pour soi Pas si courant Tête emplie de souvenirs Ceux qui donnent joie Ceux qui donnent chagrins Ceux, invisibles, qui marquent la peau
Elle retrousse les manches Tire sur les brides trop lâches Enfonce l’ombre du chapeau sur son visage
Ses oreilles bourdonnent Ses épaules servent d’appui Le vent passe sous ses manches
Sous le soleil Rien Rien qu’une femme de dos Regard fixé sur un point
Invisible Derrière elle Sur son rythme Penchée par-dessus son épaule Image diffractée
Quatre à se courber Une blonde Une noire Une jaune Une blanche Quatre femmes éparpillées Dans le courant de l’eau Dans la fraîcheur du ruisseau Éclaboussées de passions
Autour d’elles Des rideaux de dentelles Des gouttes Des serments Elles rient S’écartent du bout des doigts Éclaboussures éphémères
Elle voit
Leurs corps nus Pressés l’un contre l’autre Jalousement préservés par le cocon du jour d’été
Elle court
La femme de dos Lâche Son sac Sa chemisette Son chapeau
Enfin Se jette à l’eau Dans la peinture du tableau Elle se donne au vivant Des cinq doigts féminins