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Véronique PEDRERO

Elle

Une chemisette à carreaux
Un sac à dos
Un chapeau à rubans

Une journée, bleue
Dans le commencement de l’été
Dans les éclats d’un soleil insolent

Devant elle, un chemin
Déjà chaud des heures qui s’annoncent
Elle va le quitter
Ce chemin qu’elle connaît trop bien
Elle l’ignore encore
Mais elle tourne la tête, à droite

Là-bas, elle n’est jamais allée
Là-bas, la forêt, ses ramures épaisses
Là-bas, les buissons touffus, les bêtes à éviter
Là-bas, aujourd’hui, s’aventurer

À quel prix ?
Elle l’ignore, encore

Un mouvement désinvolte
Un pivot sous les doigts
Cheveux lâchés sur la nuque
Menton relevé
Pied fixé sur le point foncé

Sur le chemin gorgé d’été
Une femme
Chapeau de paille dégoté au fond de la remise oublié
Sac éculé récupéré, empoussiéré
Chemisette à carreaux du mari qui l’a quittée






Une grande respiration
Pour soi
Pas si courant
Tête emplie de souvenirs
Ceux qui donnent joie
Ceux qui donnent chagrins
Ceux, invisibles, qui marquent la peau

Elle retrousse les manches
Tire sur les brides trop lâches
Enfonce l’ombre du chapeau sur son visage

Ses oreilles bourdonnent
Ses épaules servent d’appui
Le vent passe sous ses manches

Sous le soleil
Rien
Rien qu’une femme de dos
Regard fixé sur un point

Invisible
Derrière elle
Sur son rythme
Penchée par-dessus son épaule
Image diffractée

Quatre à se courber
Une blonde
Une noire
Une jaune
Une blanche
Quatre femmes éparpillées
Dans le courant de l’eau
Dans la fraîcheur du ruisseau
Éclaboussées de passions







Autour d’elles
Des rideaux de dentelles
Des gouttes
Des serments
Elles rient
S’écartent du bout des doigts
Éclaboussures éphémères

Elle voit

Leurs corps nus
Pressés l’un contre l’autre
Jalousement préservés par le cocon du jour d’été

Elle court

La femme de dos
Lâche
Son sac
Sa chemisette
Son chapeau

Enfin
Se jette à l’eau
Dans la peinture du tableau
Elle se donne au vivant
Des cinq doigts féminins