Ils se tenaient le cœur battant au bout des mains Sur un trottoir de gare en ce dimanche matin Soleil au bord des lèvres La nuit d’or s’attardait au coin de leurs regards Ils allaient se quitter, risquaient d’être en retard
Ils mêlaient leurs cheveux, leurs souffles et leurs voix Ils frottaient leurs deux peines C’était juste leur instant, parmi des mille et cents Juste deux amoureux qui vont bon an mal an
Ils ne regardaient pas le ballet des oiseaux Ils ne ressentaient pas les bercements de mer Les couleurs chatoyantes du lever de rideau Ils n’en avaient que faire Chacun ne serait qu’un Ces juste deux amours allaient se séparer
Et si je les voyais Je n’entendais leur cri Mais je sentais leurs peaux, les frottements, les traces Encore chaudes des draps quittés en grande hâte troqués un peu trop vite contre un matin blafard
Elle portait des bagages, lourds au bout de son bras Il avait les mains vides au fond de sa parka Elle jetait des regards vers le panneau des trains Une mèche sur son œil retombait comme de rien Elle chassait la cruelle qui revenait sans cesse Lui retenait le vent mais n’ayant pas de laisse Il ne pourrait longtemps retarder son départ
D’ici je les voyais La grande aiguille bougea Le train entra en gare, le tableau s’effaça Quand ses fieffés rouages filèrent sur les rails Il resta le quai vide piqué de leurs bécots