Été mûr de soleil Tu as le dos cuivré Le torse aussi C’est la fin des vacances Pour la photo, la dernière, l’ultime, tu as enfilé ton maillot de bain jaune De l’or sur ta peau brunie
Toujours un livre entre les mains Toujours Des pages qui se tournent Toujours Des pages à ne pas corner Les livres, tu dis, c’est précieux Ceux-là appartiennent à la bibliothèque Ils seront empruntés par d’autres
Tu prenais le temps de partir À tour de roue Tout seul à grimper sur les rebords du paysage Si un autre cycliste était devant toi, tu accélérais Pour ne pas être derrière Pour passer devant Pour ouvrir la route et en avoir l’usage Avec l’illusion d’être seul
La cuisine, celle du bas, c’était ton antre S’amoncelait dans l’évier la vaisselle Le four débordait de senteurs Sur la cuisinière, ça mijotait salé sucré La radio marchait toute seule Tes mains saisissaient le fouet la poêle la salière Quand la mousse remplissait le saladier Tu passais tes doigts sur les parois de la casserole Tu avais tous les droits Après, ne restait que le souvenir du chocolat fondu Le reste tapissait ton estomac
Devant la TV, le match Lyon-St É Radio vissée à l’oreille Le son du commentateur sortait de l’écran L’œil sur le ballon les maillots Juron Mi-temps Le match emplissait la pièce Il n’y en avait que pour les maillots verts
J’ai quatre, cinq ans peut-être J’ai mal aux dents Ma tête sur ta poitrine pour éviter les courants d’air Tes bras pour me protéger Une couverture à revers Mon souffle calé au creux de ton cou
Les cloches sonnent à l’église C’est l’heure d’entrer en mariage À ton bras droit, ta fille, sa robe blanche, ton désespoir Ton nœud de cravate est impeccable, sa voilette engrillagée Sous le porche, vos pas ajustés passent Ton dos se voûte Ombres sur les dalles de pierres