Je me souviens du chaud qui rassurait mes plantes tassées dans la touffeur des longues soirées d’été Je me souviens de tes mots dans le vide jetés à des oreilles absentes qui étaient fatiguées Je me souviens de tes consolations lorsque mes yeux rougis pleuraient dans ton revers de col avachi Je me souviens de tes ronds de cabri jambes par-dessus tête dans les prés qui vrombissaient d’insectes Je me souviens de ces tables de fêtes où trônaient des bouquets odorants de jonquilles et violettes Je me souviens de ces hivers mordants qui pendaient aux craquantes toitures alourdies par leur charge blanche Je me souviens de nos éclats de rire qui chahutaient les flots bousculés entre deux pierres dressées Je me souviens de ton corps endormi qui s’était dévêtu sans bruit dans l’espace des tes rêves Je me souviens des surprises dispersées en pyjama pantoufles et cheveux batailleurs les matins embrumés de Noël Je me souviens de ta voix qui me dit ton amour de père l’hiver de ta mort Je me souviens de nos disputes brusques et empourprées tel un tsunami qui déverse son destructeur trop-plein Je me souviens des nuages en mélange de gris qu’on regardaient courir sans crainte de la pluie Je me souviens de cette chapelle enfouie dans un creux de vallée moussue où nous marchions crottés Je me souviens de ces feux braillants du carnaval qui engageait des rondes de masques à grimaces Je me souviens trembler au bord des escaliers ou à l’entrée des ruelles quand il faisait sombre Je me souviens des genoux écorchés quand mon vélo tombé je me retrouvais à terre sans souliers Je me souviens de tant de folles danses qui empourprent le cœur et nous mettent en mélange