On la disait malade Notre petite vie tranquille qui prenait la tangente On la disait sans sève Elle traînait la galoche dans la boue des fossés Notre petite vie qui craignait trop d'aimer
On la disait étroite Notre petite vie engoncée dans ses plis On la disait souffrante Elle ne sortait plus que sur son pas de porte Notre petite vie grise à l'odeur surannée
On la disait méchante Notre petite vie devenue médisante On disait qu'elle grognait Derrière ses volets tirés à quatre épingles Notre petite vie toujours se plaignait
Dans sa désespérance Notre petite vie qui du noir broyait Elle effaçait le jour qui chante les faubourgs Parce que devenue sourde à ce qui l'enchantait Désormais dérangée forcément se terrait
Jadis elle dansait notre petite vie Notre petite vie prenait toutes couleurs Elle faisait son marché dans une robe à fleurs Elle marchait pieds nus dans les flaques en été Mais cette petite vie avait tout oublié
Il fallait donc la prendre notre petite vie Par la main doucement et sans trop la brusquer Pour qu'au fond de son coeur elle réveille enfin Des envies minuscules qui ensuite grandiraient Pour qu'elle monte à l'étage et prenne de la hauteur
J'espérais donc la voir notre petite vie Poser son doux minois sur le carreau de verre Pour guetter les passants dont je ferais partie Puis ouvrir sa croisée bien grande sur la vie Et crier un bonjour empli de ricochets