Sur un coup de vent têtu la porte de ma maison-arbre s’ouvre Elle a pris une profonde inspiration Moi, je souffle aussi lentement que possible sur mon bol de cacao trop chaud L’air sort de ma bouche Un rais de lumière glisse sur le plancher La confiture d’oranges mûres coule de ma tartine Elle dessine des routes que mes doigts collants s’empressent d’emprunter Ils ne laissent aucune trace On ne pourra pas dire qu’il y a eu un forfait Je bois mon chocolat qui a refroidi, avant que ne se forme une peau sur le dessus Je n’aime pas ça
Je quitte la table et m’approche de l’entrée Je m’assieds sur le seuil, jambes pendantes J’attends
Peu à peu naissent des couleurs sur un champ qui s’étire à perte de vue Une infinité de fleurs en mélange Pâquerettes en robes modestes Roses en tenues d’apparat Marguerites portant couronnes Pissenlits en grande conversation Tournesols avides de soleil Tulipes empesées Artichauts à têtes bleues Monte une odeur de vanille, entêtante et sucrée
Au loin, le rythme régulier d’une roue bat l’eau Celle du moulin, proche de la rivière qui fait des allers-retours réguliers vers la mer Mon cœur fait de petits bonds dans ma poitrine Dans sa grotte, il capte tout, absolument tout Même le son ténu des gouttes qui tombent de l’arrosoir et rafraîchissent la terre du jardin Même le champignon qui pousse la mousse avec son chapeau Même les canards qui ébrouent leurs ailes dans les flaques Même les lutins qui dansent sur la lande J’ai envie de les rejoindre
Je me mets debout, d’un coup Je soulève mes manches Je claque des talons, comme ça Je compte un, deux, … À trois, je m’envole par-delà la Manche
Le monde, d’en haut, est plus grand et plus beau qu’un tableau Et moi, je suis un aigle