J’avais vingt ans, c’était mon premier grand voyage Disons… Un voyage Imaginé, surtout Décidé, enfin Pas un de ceux qui pourraient m’être volés De l’instant fébrile où l’idée avait planté son germe, je n’avais rien dit Égoïste, j’avais protégé cette image Ce secret-là motiverait ma fuite
Peu importait la destination, fut-elle le bout du monde, le bout de l’ongle Et c’est du bout du doigt que je pointais mon songe J’abaissai mes paupières et fis tourner le monde sur son axe oblique Le piqué que je fis avait tête d’épingle mais le sceau de l’esprit fila jusqu’aux étoiles Sous l’empreinte indexée, la sphère stoppa sa course Je décollais ma pulpe avec précaution Je lus un mot si bref qu’il irait se glisser sans crainte dans mes bagages Léger comme un buvard
Quand je franchis le seuil, personne ne me retint Je ne fis pas de mine, je ne composai rien Mon sac de tous les jours s’était gonflé des vents qui vous poussent à ras bord Mon visage impassible ne laissait rien filtrer Précieuse échappée Je filais à l’anglaise
À l’angle de la rue je tournais les talons et je me faufilai sous le si vieux grillage Depuis longtemps déjà il n’avait plus d’usage La hutte était là, je me glissais dessous, et je fis là mon nid Tant et si peu de temps
De ce si grand voyage léger comme un cheveu, je ne racontai rien On me pressa pourtant Je fis la sourde oreille Je balbutiai des mots que l’on voulait entendre
À ce jour Ce silence fragile reste mon trésor Indocile Toujours