Elle avait un jardinier pour ami Qui ne jurait que par les fruits, Et l'affublait en toutes saisons De fruitiers surnoms ! De ma tendre pêche à mon petit abricot, De ma douce pomme à ma jolie noix de coco... Tous les fruits sans exception Remplaçaient en tous temps, son prénom !
Une nuit, elle rêva de son jardinier Assis au milieu de son verger, Admirant le fruit défendu Qu'elle était devenu... Ne pouvant résister plus longtemps, Il la cueillit, la déposa délicatement Sur un lit de feuilles dorées Et contre elle vint se coucher...
Au comble de l'excitation De sentir contre lui l'objet de sa passion, La couvrant de caresses, de baisers, Emporté par l'ivresse de la posséder Il se fit de plus en plus ardent, La serrant, la serrant... Et la belle qui ne voulait point finir sa vie En fruit pressé, supplia son ami De la laisser respirer, par pitié... Mais c'est alors que n'y tenant plus... Il la croqua... toute crue !
Et...
Elle se réveilla, affolée, Gesticulant en tous sens, le souffle coupé, Baignée de sueur au milieu du lit, Pendant que réveillé par ce charivari La voix toute ensommeillée, il lui dit : Qui y a-t-il mon petit grain de raisin, Voudrais-tu un câlin Pour chasser ces mauvais rêves, Et que sans trêve Jusqu'à l'aurore Je te dévore ?
Alors là... c'en 'était trop... La belle ne fit qu'un saut, Pris sa couverture, son oreiller, Et s'en alla finir sa nuit sur le canapé... Devant le regard ébahi De son jardinier qui jamais ne comprit, Pourquoi il lui fût interdit désormais De l'appeler autrement que par son prénom, Aimée !