Je ressens quelquefois une intense tristesse Lorsque j’entends des mots qui nous viennent d’ailleurs : Bâillonnant un langage aux multiples saveurs Ils prennent du galon dans des bouches traîtresses.
Je voudrais m’insurger contre un monde inconscient, Exprimer ma douleur de voir que le français Se meurt à petit feu et s’inscrit à jamais Dans un puits infini où l’espoir est absent.
Je ne puis supporter que l’on gomme l’histoire Qui nous a réunis sous un même drapeau ; Certains n’hésitent pas à brûler le berceau Où sont nés tant de mots de notre répertoire.
Qu’ils soient grecs ou romains ou l’âme des provinces Ils furent les joyaux du Siècle des Lumières Puis ils ont pénétré masures et chaumières Fleurissant les esprits des manants et des princes.
La langue a rassemblé un peuple en devenir, Assoiffé d’équité et de fraternité, Et son âme a nourri aux cris de liberté Des liens qui auraient dû éclairer l’avenir.
Mais un vent outrancier balaie notre langage Et le fait vaciller dessous une avalanche De termes vaniteux arrivés d’outre-Manche Qui agressent sans fin notre vieil héritage.
Quand l’océan des mots se transforme en fruit sec, Pour que notre oasis retrouve un goût de miel, Cueillons à volonté les mots providentiels Enfantés en Belgique, Afrique ou bien Québec.
Apprendre une autre langue est un doux élixir Qui ne doit pas gommer celui de nos aïeux ; Retirons le pouvoir aux termes prétentieux Afin que le français ne soit pas qu’un soupir.