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Xavier MONTEL

Le pêché

C'est un humble village au caractère agreste
Qui ne s'inquiète point de voir entre ses murs,
Une population dont la vile nature
Cautionne allègrement le mal le plus funeste.

Pour saisir l'affliction qui tourmente ce lieu
Et qui fait de la Terre une immense Géhenne,
Il me semble opportun de décrire une scène,
Qui saura évoquer un pêché odieux.

Alors que la nuit tombe, heure de la débauche,
Des chemins du village on foule les pavés
Pour rejoindre gaiement les comptoirs des cafés,
Que l'on ne quittera qu'à l'appel de la cloche.

Dans la cacophonie des débats qui s'animent,
A quelques pas du zinc s'élève la clameur.
Une histoire d'argent, une affaire de cœur,
C'est la rixe qui compte, on ignore le crime.

L'inévitable étant ce que le mot désigne,
Un gaillard se rassied et l'autre git au sol
Et le bar tout entier sans vergogne rigole
Du pauvre homme qui, faible, s'est montré indigne.

Alors que du vaincu on apprit le trépas,
On ne se soucia guère du sort du défunt
On ne causait au bar que du procès prochain
Au pouvoir exaltant que les décès n'ont pas.

Un témoin, un juge, une balance, un glaive
La justice triomphe et l'affaire est classée,
Le coupable est puni, la victime oubliée,
L'excitation retombe, la fête fut brêve.

Un homme est enfermé, pourtant, peu le comprennent,
Le vrai coupable est libre et tous les jours sévit
Dans le petit village que je vous décrit:
C'est la gloire et l'honneur qui engendrent la haine.

Lorsqu'un homme offensé accorde son pardon
Nous le disons couard, et il devient la cible
De la haine de ceux qui d'injures le criblent
Pour n'avoir pas souhaité la confrontation.

A l'inverse, un outrage vengé dans le sang
Est le signe qu'un homme s'est montré plus fort
Son honneur est lavé car il a fait un mort,
Requiescat in Pace et bravo au gagnant.

Le pêché de tout homme est d'accepter cela,
De ne pas admettre que le fort est celui
Qui évite la guerre en pardonnant autrui,
Qui sacrifie sa gloire et fait taire le glas.

Quand nous auront compris qu'il faut s'agenouiller,
Que le plus grand courage est d'éviter le crime,
Que de tous les grands hommes, les plus magnanimes
Sont ceux qui, en duel, ont déposé l'épée,