Qu'as-tu fait, dis-moi donc ô mon humble visage, De tes beaux traits fins et de ton regard joyeux ? Voilà, traduit en mots, le tacite message Qu'envoie le traître miroir à mes yeux
Jeunesse consumée, nous voici face à face ; Revenez, revenez, fantômes chevelus, Prendre à témoin le reflet trouble dans la glace De mes quarante-cinq ans révolus !
Jeunesse finissante et trop vite passée ; Que de bons souvenirs ! Que de regrets aussi, Tu me donnes ! N'es-tu pas encore lassée ? Jeunesse finissante et trop vite passée ; Tu me déconcertes, mais c'est ainsi !
Parce qu'il est loin le temps - tu me le rappelles Incessamment - où je consommais sans détour, De mes années folles, insouciantes et belles : Chaque instant, brûlant du feu de l'amour
Ces jours s'en vont et la langueur en moi persiste ; Pourquoi faut-il que jeunesse passe et pourquoi La peur de vieillir, se propageant, me rend triste Et captif d'un magnificent effroi ?
J'ai beau m'abstraire, m'exercer à l'alchimie : Plus qu'il ne le faut, tout seul je vais demeurer Mais, cela t'est bien égal, vieillesse ennemie, Que je pleure ; alors laisse-moi pleurer !