Pas un jour ne commence ni n'expire, Sans qu'un souvenir de nos dix-huit ans
- Par les prétextes les plus incitants - Ne m'ébranle le cœur ou ne m'inspire !
Aujourd'hui même, je vois nos amours Sous les traits de créatures ailées - D'un sommeil centenaire, réveillées - Me tendre les bras, vivantes toujours :
- Peu à peu, ton ombre en fuite furtive Ondule, tressaille et propage en moi Ses ondes inexprimables d’émoi ; Je suis tel qu'en transe contemplative
Tes cheveux blonds, noués en catogan S'irisent, en cascade sensuelle ; Avec une langueur spirituelle, Au milieu d’eux je goûte l'ouragan
Je suis navire essuyant la tempête - Sur une mer aux flots extravagants - Et cherche loin, tes replis élégants ; Comme souvent dans mes soirs de conquête
Et comme souvent : du divan profond, Les extases (car ma bouche éperdue À pleines dents marque ta gorge nue) Essaiment, légères, jusqu'au plafond
Et nos âmes montent vers l'empyrée, Accrochant au passage, calmement : Deux clartés constellées au firmament ; Plus sereines qu'une aurore azurée -
Le jour expire, ô instants radieux ! C'est l'heure lente où s'apprête le rêve : Mon cœur s'ébranle, mon esprit s'élève Et la Terre entière atteint les cieux.