Ô mon cœur, repens-toi d'avoir si mal aimé Et songe à faire, pour tes fautes, pénitence : Condamné - comme Tantale - à vivre affamé, Dieu que je trouve clémente la sentence !
Car, clémente est la sentence : trente-trois Années de perpétuel silence ; de solitude, Que tu porteras comme l'on porte une croix De douleurs longues et d'infinie lassitude
Pour qui aime mal, c'est un juste châtiment Que de ravaler ses fiertés intérieures Et jour après jour, compter tristement : Vidées de leur sens, les sinistres heures !
Car, sinistres seront vos heures, ô nuits Vécues qu'à peine et semblant déjà mortes : Passées sans aimer, dans de sombres réduits Aux murs épais - sans fenêtres ni portes !
Seul, ruiné, joueur déconfit qui consent À jeûner et prier mieux qu'un catéchète Ô mon cœur, comprends-tu donc à présent, Que l'amour, au grand jamais, ne s'achète ?