Les cheveux blancs
Quand je serai un vieil homme aux cheveux d'argent,
Et le soleil couchant burinera mes traits
Tel un patriarche voûté, lourd de ses cent ans
Qu'en sus, il donne à ma peau des rides d’apprêt,
Il faudra me retourner sur mes pas lointains,
Chercher ainsi les parents, les amis perdus,
Ceux dont la route, hélas, anticipa la fin,
Leur rendre enfin le bonheur promis, donc dû.
Ce ne furent pas des croisées faciles et planes,
Combien de montées et de chutes ont jalonné
Avec les cours, les monts, les gouffres et les arcanes,
Le voilage, que jeune, on voyait en randonnée,
Ici n'est qu'un temps qui lie les ris et les pleurs,
Tels amis, frères, parents, ennemis et inconnus
Après les joies attendues, surviennent les malheurs
Souvent d'un espoir serein naît un deuil perdu.
Mais ne reste pas là, même à l’âge où s'entend
Que les comptes se déroulent, làs, plus vite à rebours,
Point n'est regret des gestes et des regards d'avant
Car la vie est surtout un projet sans retour.
Malgré les cheveux blancs qui ourleront mon front,
Les rides et les sourcils faisant plisser les yeux
Je voudrais rire encore et chanter, sur les monts,
D'un pas alerte, sous la flamboyance des cieux.
Le couchant dorera encor le grain de ma peau
Et mes traits enserreront la forme de mes os
Dussé-je crier. Jusqu’à en perdre la voix
Crierai-je encor plus ma fierté d'être ici-bas