Cauchemar
C'est à l'heure où, en vain,
Tout un peuple de malades,
Hagard, mendie son sommeil,
Amalgame de chair et d'âmes,
Tout affligé de nécroses,
Que surgit telle une nef fantôme,
Le train corbillard de la nuit,
Cette infernale vomissure
D'une douloureuse agonie.
Du haut de la cité lunaire
Dans un silence de tombeau,
Blêmes, sur leur séant dressés,
Les rescapés l'écoutent au loin,
Geindre, lugubre sur son rail,
Poussant là-bas sa cargaison
Vers quelque obscure vallée.
A la remorque du destin,
Le funèbre convoi de la nuit
Sinistre, glisse sous les étoiles.
Et, prostrée, la froide cité
Regarde suinter des ses entrailles
L'effroyable et lourd convoi,
Ruissellement immonde de morts.
Alors, seul, mais encore debout,
Je déchire le drap de l'horreur.
Mais, lucide, tel un gerfaut noir
Et libre enfin, je m'élève
Léger, par deux ailes emporté
Vers les lueurs de la nuit
Genève, février 2003