C’était quand elle dormait, je lui disais « je t’aime » Du bout des lèvres à peine, dans un souffle, murmuré ; Posais sur son front lisse enfin mes lèvres blanches Et ma tremblante main sur le drap sur sa hanche. Je respirais enfin l’odeur de ses cheveux. J’écoutais souriant son souffle régulier. C’était aux heures noires où je me réveillais Que je pouvais enfin lui sourire d’un air tendre Et balbutier les mots qu’elle ne devait entendre. Ces mots même, au grand jour, je les lui refusais. Je fuyais ses caresses, ses baisers, sa tendresse Et même si bien souvent quelque part en moi-même Aurait voulu crier combien lors je l’aimais Rien ne passait mes lèvres au rictus condamnées. Je la voulais sereine, distante, apaisée. Je la faisais souffrir et je l’écartelais : Je la voulais lointaine, je la voulais si proche. Il arrivait parfois qu’à elle je m’accroche La serrant contre moi, fort, aux amoureux ébats Comme celui qui se noie s’accroche au bois qui flotte J’aurais voulu alors qu’elle ne se retire pas, J’aurais voulu pouvoir pleurer mon désarroi, Sur son épaule blanche où je plongeais mes doigts Et je ne disais rien.
J’ai brisé son amour avec ces deux mains-ci. Avec ces deux mains-ci j’ai failli la briser. J’ai façonné ma peine et pétri son absence, Avec ces deux mains-ci je me suis condamné À son plein désamour, son adieu, son partir. Je suis seul maintenant, elle m’a abandonné, Et je survis encore, moi qui devais mourir.