Au grand galop, les ans se sont enfuis Abandonnant à sec leur terre arable. Mon front, tel un lopin bordé de buis, Exhibe son labour indéchiffrable.
« Bientôt la fin, dit à son voisin noir Un cheveu blanc. L’automne est à la porte Prêt à couvrir de son sale éteignoir Ton feu blêmi dont la chaleur est morte.»
Le faix des jours, de plus en plus pesant, Fait se plier le dos, craquer la canne, Traîner le pied grinçant qui va creusant Un sol ingrat où rit un monde insane.
Ai-je vécu les froids de mille hivers Pour voir mes os geler sous ma peau sèche ? N’ayant connu du destin que revers, Je hais ce mal prenant mon âme en crèche.
La douleur s’acharne à blanchir mes nuits Pour me livrer à la lueur d’un âtre Mourant, témoin de ce jus d’amers fruits Coulant en vers sur un papier grisâtre.
Pourrais-je, avant mon glas, prendre le vol Pour m’en aller vers les îles des ombres Où le repos est si doux, si mariol, Afin qu’y dorment en paix mes décombres ?