-« Je souffre, mais je vis ! » disait un jour Chénier, Cheminant vers la guillotine. Son bourreau ne pouvait saisir le sens plénier De ce mot. Sa tête crétine Ne savait que lâcher le cordon de la mort. Le fer maudit, trancheur de veines, Confondait le sang pur du poète sans tort Et celui des tronches vilaines Que le mal, seul, peuplait. Il coupait froidement Tout ce qui gênait sa descente. La vie était perdue. En l'horreur d'un moment, S'est éteinte sa flamme ardente. Les cieux durent, ce jour, les feux de Thermidor Adoucir en versant leurs larmes Sur l'échafaud noyé de vers en lettres d'or Que ne purent taire les armes. Plus de vingt ans après, les voilà refleurir Dans les jardins des belles muses Que charme le soleil et berce le zéphyr Loin du fracas des arquebuses. «Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson » Chantait André, l'âme sereine, Le soir même où la Cour, pour un vague soupçon, Dut se prononcer pour la peine Capitale. Son vers, aujourd'hui, retentit Soir et matin dans les écoles En bel alexandrin excitant l'appétit Du grand art ouvrant ses corolles, Telle une fleur à la rosée, à nos enfants Dont brillent les yeux de lumière En récitant ces mots que leurs cris triomphants Font voler vers l'âme chénière.