Enfin la nuit ! Elle va se lever Ma lune aimée ,ma lueur adorée. Mon cœur bondit en criant à crever: -" Douce fraîcheur que j'ai tant dévorée, Chasse la nue , viens me faire vibrer ! Je bas pour toi, et je veux m'enivrer De tes ris qui font briller les étoiles , Qui chargent l'air d'affollantes senteurs Qui font danser les arbres des hauteurs Allons , vas-y ,déchire tous les voiles!
Fais-toi belle , chaque soir ,pour venir Chauffer le sang dans mes vieilles veines. Ton sourire est ma source de plaisir Qui m'arrache à l'affreux étau des peines. Je t'appartiens , je suis ton serviteur Quand je te vois , tel un oiseau chanteur, Je serine avec goût mon long ramage ; Comme un rossignol amoureux des monts Libre au vent qui dédie ses chansons A ceux qui n'ont jamais connu de cage.
Je suis heureux, je chante sans arrêt Pour bercer les blés des vastes campagnes Faire frémir le bois et la forêt Faire valser et s'embrasser les montagnes. Mon chant va jusqu'à la mer qui rugit Touchera-t-il ce cœur qui a surgi , Un soir béni ,de ce monde invisible A l'autre bout de l' immense océan ? Sera-t-il pour ma flèche cette cible Longtemps râtée ,faute de bon élan ?"
Comme piqué par une peur amère Il pousse un profond soupir déchirant. -"Ces courts moments ne sont-ils que chimère ?" Pense-t-il , puis , d'un ton délirant : - " Non , c'est réel ! Ainsi la vie est faite Après les pleurs , vient la joie, vient la fête Il se remet à ramer , suavement... Sa lune à l'oreille tendue se pame. Elle laisse s'échapper un gloussement Ayant longtemps moisi au fond de l'âme.