Avec le même amour que tu me fus jadis Un jardin de splendeur dont les mouvants taillis Ombraient les longs gazons et les roses dociles, Tu m'es en ces temps noirs un calme et sûr asile.
Tout s'y concentre, et ta ferveur et ta clarté Et tes gestes groupant les fleurs de ta bonté, Mais tout y est serré dans une paix profonde Contre les vents aigus trouant l'hiver du monde.
Mon bonheur s'y réchauffe en tes bras repliés Tes jolis mots naïfs et familiers, Chantent toujours, aussi charmants à mon oreille Qu'aux temps des lilas blancs et des rouges groseilles.
Ta bonne humeur allègre et claire, oh ! je la sens Triompher jour à jour de la douleur des ans, Et tu souris toi-même aux fils d'argent qui glissent Leur onduleux réseau parmi tes cheveux lisses.
Quant ta tête s'incline à mon baiser profond, Que m'importe que des rides marquent ton front Et que tes mains se sillonnent de veines dures Alors que je les tiens entre mes deux mains sûres !
Tu ne te plains jamais et tu crois fermement Que rien de vrai ne meurt quand on s'aime dûment, Et que le feu vivant dont se nourrit notre âme Consume jusqu'au deuil pour en grandir sa flamme.