La petite Vierge Marie Passe les soirs de mai par la prairie, Ses pieds légers frôlant les brumes, Ses deux pieds blancs comme deux plumes.
S'en va comme une infante, Corsage droit, jupes bouffantes, Avec, à sa ceinture, un bruit bougeant Et clair de chapelet d'argent.
Aux deux côtés de la rivière Poussent par tas les fleurs trémières, Mais la Vierge, de berge en berge, Ne cherche que les lys royaux Qui s'érigent au bord de l'eau Comme flamberges.
Et puis saisit entre ses doigts, Un peu roides de séculaire empois, Un insecte qui dort, ailes émeraudées, Au coeur des plantes fécondées.
Et de sa douce main, enfin, Détache une chèvre qui broute A son piquet, au bord des routes, Et doucement la baise et la caresse Et gentiment la mène en laisse.
Alors, la petite Vierge Marie S'en vient trouver le vieux tilleul de la prairie, Dont les rameaux pareils à des trophées Recèlent les mille légendes,
Et, humble, adresse enfin ces trois offrandes, Sous le grand arbre, aux bonnes fées, Qui autrefois, au temps des merveilleuses seigneuries, Furent comme elle aussi Les bonnes dames de la prairie.