Il faut admirer tout pour s'exalter soi-même Et se dresser plus haut que ceux qui ont vécu De coupable souffrance et de désirs vaincus : L'âpre réalité formidable et suprême Distille une assez rouge et tonique liqueur Pour s'en griser la tête et s'en brûler le coeur.
Oh clair et pur froment d'où l'on chasse l'ivraie ! Flamme nette, choisie entre mille flambeaux D'un légendaire éclat, mais d'un prestige faux ! Dites, marquer son pas dans l'existence vraie, Par un chemin ardu vers un lointain accueil, N'ayant d'autre arme au front que son lucide orgueil !
Marcher dans sa fierté et dans sa confiance, Droit à l'obstacle, avec l'espoir très entêté De le réduire, à coup précis de volonté, D'intelligence prompte ou d'ample patience Et de sentir croître et grandir le sentiment D'être, de jour en jour, plus fort, superbement.
Aimer avec ferveur soi-même en tous les autres Qui s'exaltent de même en de mêmes combats Vers le même avenir dont on entend le pas ; Aimer leur coeur et leur cerveau pareils aux vôtres Parce qu'ils ont souffert, en des jours noirs et fous, Même angoisse, même affre et même deuil que nous.
Et s'enivrer si fort de l'humaine bataille - Pâle et flottant reflet des monstrueux assauts Ou des groupements d'or des étoiles, là-haut - Qu'on vit en tout ce qui agit, lutte ou tressaille Et qu'on accepte avidement, le coeur ouvert, L'âpre et terrible loi qui régit l'univers.