Le moulin tourne au fond du soir, très lentement, Sur un ciel de tristesse et de mélancolie, Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie, Est triste et faible et lourde et lasse, infiniment.
Depuis l'aube, ses bras, comme des bras de plainte, Se sont tendus et sont tombés ; et les voici Qui retombent encor, là-bas, dans l'air noirci Et le silence entier de la nature éteinte.
Un jour souffrant d'hiver sur les hameaux s'endort, Les nuages sont las de leurs voyages sombres, Et le long des taillis qui ramassent leurs ombres, Les ornières s'en vont vers un horizon mort.
Autour d'un vieil étang, quelques huttes de hêtre Très misérablement sont assises en rond ; Une lampe de cuivre éclaire leur plafond Et glisse une lueur aux coins de leur fenêtre.
Et dans la plaine immense, au bord du flot dormeur, Ces torpides maisons, sous le ciel bas, regardent, Avec les yeux fendus de leurs vitres hagardes, Le vieux moulin qui tourne et, las, qui tourne et meurt.