Les baisers morts des défuntes années Ont mis leur sceau sur ton visage, Et, sous le vent morne et rugueux de l'âge, Bien des roses, parmi tes traits, se sont fanées.
Je ne vois plus ta bouche et tes grands yeux Luire comme un matin de fête, Ni, lentement, se reposer ta tête Dans le jardin massif et noir de tes cheveux.
Tes mains chères qui demeurent si douces Ne viennent plus comme autrefois, Avec de la lumière au bout des doigts, Me caresser le front, comme une aube les mousses.
Ta chair jeune et belle, ta chair Que je parais de mes pensées, N'a plus sa fraîcheur pure de rosée, Et tes bras ne sont plus pareils aux rameaux clairs.
Tout tombe, hélas ! et se fane sans cesse ; Tout est changé, même ta voix, Ton corps s'est affaissé comme un pavois, Pour laisser choir les victoires de la jeunesse.
Mais néanmoins, mon coeur ferme et fervent te dit : Que m'importent les deuils mornes et engourdis, Puisque je sais que rien au monde Ne troublera jamais notre être exalté Et que notre âme est trop profonde Pour que l'amour dépende encor de la beauté.