S'il était vrai Qu'une fleur des jardins ou qu'un arbre des prés Pût conserver quelque mémoire Des amants d'autrefois qui les ont admirés Dans leur fraîcheur ou dans leur gloire Notre amour s'en viendrait En cette heure du long regret Confier à la rose ou dresser dans le chêne Sa douceur ou sa force avant la mort prochaine.
Il survivrait ainsi, Vainqueur du funèbre souci, Dans la tranquille apothéose Que lui feraient les simples choses ; Il jouirait encor de la pure clarté, Qu'incline sur la vie une aurore d'été, Et de la douce pluie aux feuilles suspendue.
Et si, par un beau soir, du fond de l'étendue S'en venait quelque couple en se tenant les mains Le chêne allongerait jusque sur leur chemin Son ombre large et puissante, telle qu'une aile, Et la rose leur enverrait son parfum frêle.