Je préfère aux beautés des Artémis divines Le corps mièvre et danseur des filles de Paris ; J'aime les yeux rieurs et les voilettes fines, Les contours estompés par la poudre de riz.
J'aime l'ambre et le musc plus que l'antique myrrhe ; Pour moi, la nudité des nymphes ne vaut pas Une robe moulant un beau corps, et j'admire Les chers souliers nerveux qui font de petits pas.
Et comme les froufrous des vêtements de femmes, Comme l'odeur des fleurs mortes entre les seins, J'aime tous les petits frissons des frêles âmes Et le subtil parfum des poèmes malsains.
Et pourtant dans les jours de tristesse secrète, Tout plein de vague rêve et de désirs plaintifs, Je songe aux temps anciens et rudes ; je regrette Le bonheur animal des géants primitifs.
Je regrette le temps formidable des luttes Contre les loups nombreux et les vieux sangliers, Et les combats sans fin livrés autour des huttes, Et les accouplements au fond des grands halliers.
Je regrette le temps des batailles épiques, L'âge superbe où l'homme énorme ne songeait Qu'à rougir dans le sang vermeil de fières piques, Où nul amour sourd et profond ne le rongeait.
Quand je suis au milieu d'arbres au vaste torse, Une odeur de géant est dans l'air que je bois, Et dans ma nostalgie immense de la force, Je suis humilié de la splendeur des bois,
Ainsi qu'aux temps rieurs des mignonnes marquises, Plus d'une, s'en allant par les champs en travail, Rêvait, pour son corps las de voluptés exquises, L'amour d'un paysan au robuste poitrail.
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Aussi, bien qu'adorant la grâce maniérée, Les parfums corrompus, les vers voluptueux, Je songe à vous, et vous envie, ô fils de Rhée, Le brutal paradis des taillis monstrueux.