Aigles qui passez sur nos têtes, Allez dire aux vents déchaînés Que nous défions leurs tempêtes Avec nos mâts enracinés. Qu'ils montent, ces tyrans de l'onde, Que leur aile s'ameute et gronde Pour assaillir nos bras nerveux ! Allons ! leurs plus fougueux vertiges Ne feront que bercer nos tiges Et que siffler dans nos cheveux !
Fils du rocher, nés de nous-même, Sa main divine nous planta ; Nous sommes le vert diadème Qu'aux sommets d'Éden il jeta. Quand ondoiera l'eau du déluge, Nos flancs creux seront le refuge De la race entière d'Adam, Et les enfants du patriarche Dans nos bois tailleront l'arche Du Dieu nomade d'Abraham !
C'est nous quand les tribus captives Auront vu les hauteurs d'Hermon, Qui couvrirons de nos solives L'arche immense de Salomon ; Si, plus tard, un Verbe fait homme D'un nom plus saint adore et nomme Son père du haut d'une croix, Autels de ce grand sacrifice, De l'instrument de son supplice Nos rameaux fourniront le bois.
En mémoire de ces prodiges, Des hommes inclinant leurs fronts Viendront adorer nos vestiges, Coller leurs lèvres à nos troncs. Les saints, les poètes, les sages Ecouteront dans nos feuillages Des bruits pareils aux grandes eaux, Et sous nos ombres prophétiques Formeront leurs plus beaux cantiques Des murmures de nos rameaux.