Sur les coteaux pâlis flotte une ombre indécise : Au portail de la ferme une femme est assise, Qui, d'un refrain breton vaguement fredonné, Dans ses bras arrondis berce son premier-né ; Sous le corsage étroit où s'amincit son buste Pointent deux jeunes seins, gonflés d'un lait robuste ; Son regard, à travers le ciel mourant, poursuit Un songe ailé de mère heureuse. Dans la nuit Qui déjà sur les champs assoupis se condense, Monte un bruit de sabots qui sonnent en cadence ; Le pas s'approche : un homme apparaît, vigoureux Et svelte, balançant au fond du chemin creux Son torse où pend sa veste accrochée à l'épaule ; D'un geste bucolique, il porte en main la gaule Dont le houx encor vert s'achève en aiguillon ; Il dégage en marchant une odeur de sillon, L'âpre et saine senteur de la terre éventrée. La femme, à son aspect, dans la ferme est rentrée : Une lampe, soudain, comme un signal d'amour, Brille. L'homme franchit le pailler de la cour. Derrière lui, le col tendu, la croupe haute, Ses boeufs cornouaillais obliquent, côte à côte, Vers l'étable où le foin s'émèche aux râteliers. Quand, repus, ils ont clos leurs yeux ensommeillés, On peut voir,comme aux temps divins de l'Évangile, Par un carreau de vitre enchâssé dans l'argile, Une étoile poser son rayon caressant Sur les grands mufles roux qu'aima Jésus naissant.