Il n'est pas un instant où près de toi couchée Dans la tombe ouverte d'un lit, Je n'évoque le jour où ton âme arrachée Livrera ton corps à l'oubli. [...]
Quand ma main sur ton coeur pieusement écoute S'apaiser le feu du combat, Et que ton sang reprend paisiblement sa route, Et que tu respires plus bas,
Quand, lassés de l'immense et mouvante folie Qui rend les esprits dévorants, Nous gisons, rapprochés par la langueur qui lie Le veilleur las et le mourant,
Je songe qu'il serait juste, propice et tendre D'expirer dans ce calme instant Où, soi-même, on ne peut rien sentir, rien entendre Que la paix de son coeur content.
Ainsi l'on nous mettrait ensemble dans la terre, Où, seule, j'eus si peur d'aller ; La tombe me serait un moins sombre mystère Que vivre seule et t'appeler.
Et je me réjouirais d'être un repas funèbre Et d'héberger la mort qui se nourrit de nous, Si je sentais encor, dans ce lit des ténèbres, L'emmêlement de nos genoux...