La lune, dites-nous si c'est votre plaisir, Ô lune cajoleuse ! Que les hommes se plient au gré de vos désirs Comme la mer houleuse,
Est-ce votre vouloir que ceux qui tout le jour Furent doux et tranquilles, Succombent dans le soir au péché de l'amour Par les champs et les villes ?
- Les baisers montent-ils vers vous comme de l'eau Qui se volatilise, Pour faire, à votre front vaniteux, ce halo Dont sa pâleur s'irise ?
Est-ce pour vous séduire ou vous désennuyer, Quand vous faites la moue, Que les hommes s'en vont se pendre ou se noyer, La lune aux belles joues ?
Brillez-vous pour que ceux qui marchent sans souliers, Sans joie et sans pécune, Aient, sur les durs chemins, des rayons à leurs pieds Pendant vos clairs de lune ?
Dans les coeurs délaissés, dans les coeurs indigents Qui battent par le monde, Vous laissez-vous tomber comme un écu d'argent, Parfois, ô lune ronde ?
Ô lune qui le soir venez boire aux étangs Et vous coucher dans l'herbe, Quel mal a pu troubler, d'un désir haletant, Votre langueur superbe ?
- C'est d'avoir vu le bouc irrévérencieux Et la chèvre amoureuse S'unir dans la nuit claire, et réveiller les cieux De leur clameur heureuse ;
C'est d'avoir vu Daphnis s'approcher sans détour De Chloé favorable... C'est de sentir monter cette odeur de l'amour, Ô lune inviolable !