Mon âme languissait, et d'une longue haleine, Par mes tristes soupirs, j'allégeais en ma peine Mon éternel regret, et logeais en mes os Les soucis importuns qui m'ôtaient le repos. Tout m'était déplaisant et ma gêne cruelle Me pressait sous l'horreur de sa force mortelle, Tandis que loin de vous, je n'ai eu en mon coeur Que peine, que souci, que travail, que malheur. Tout m'était déplaisant, et durant mon dommage, Je ne couvais que peur et perte en mon courage, Car une froide crainte épandue dans moi Compagne de l'amour redouble mon émoi, Et tâchant d'arracher l'espérance meilleure Qui plantée en mon sang, garde que je ne meure. Las ! tout m'était fâcheux, la clarté du soleil Nuisait par votre absence au cristal de mon oeil, Et des obscures nuits l'horreur épouvantable Martyrait encor plus mon esprit misérable. Les moments m'étaient ans, et en mon triste sort, Je n'avais devant moi que l'effroi de la mort ; Et combien que le temps de ma peine fâcheuse N'ait longuement pressé ma vie langoureuse, Si n'ai-je pas laissé d'être cruellement Travaillé en mon coeur de mal et de tourment, Car les mois ni les ans ne sont par la mesure Des effets de l'esprit qui n'est de leur nature. Il mesure ses maux et ses contentements Non par âges tournants, par siècles ou moments, Mais selon la douleur de son cruel martyre, Ou selon la douceur d'un bonheur qu'il désire.