Sors de ta chrysalide, ô mon âme, voici L'Automne. Un long baiser du soleil a roussi Les étangs ; les lointains sont vermeils de feuillage, Le flexible arc-en-ciel a retenu l'orage Sur sa voûte où se fond la clarté d'un vitrail ; La brume des terrains rôde autour du bétail Et parfois le soleil que le brouillard efface Est rond comme la lune aux marges de l'espace. Mon âme, sors de l'ombre épaisse de ta chair C'est le temps dans les prés où le silence est clair, Où le vent, suspendant son aile de froidure, Berce dans les rameaux un rêve d'aventure Et fait choir en jouant avec ses doigts bourrus La feuille jaune autour des peupliers pointus. La libellule vole avec un cri d'automne Dans ses réseaux cassants ; la brebis monotone A l'enrouement fêlé des branches dans la voix ; La lumière en faisceaux bruine sur les bois. Mon âme en robe d'or faite de feuilles mortes Se donne au tourbillon que la rafale apporte Et chavire au soleil sur la pointe du pied Plus vive qu'en avril le sauvage églantier ; Cependant que de loin elle voit sur la porte, Écoutant jusqu'au seuil rouler des feuilles mortes, Mon pauvre corps courbé dans son châle d'hiver. Et mon âme se sent étrangère à ma chair. Pourtant, docilement, lorsque les vitres closes Refléteront au soir la fleur des lampes roses, Elle regagnera le masque familier, Et, servante modeste avec un tablier, Elle trottinera dans les chambres amères En retenant des mains le sanglot des chimères.