Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main, Je dirai : j'ai pétri ce petit monde humain ; Sous ce front dont la courbe est une aurore étroite J'ai logé l'univers rajeuni qui miroite Et qui lave d'azur les chagrins pluvieux. Je dirai : j'ai donné cette flamme à ces yeux, J'ai tiré du sourire ambigu de la lune, Des reflets de la mer, du velours de la prune
Ces deux astres naïfs ouverts sur l'infini. Je dirai : j'ai formé cette joue et ce nid De la bouche où l'oiseau de la voix se démène ; C'est mon oeuvre, ce monde avec sa face humaine.
Ô mon fils, je tiendrai ta tête dans ma main Et, songeant que le jour monte, brille et s'éteint, Je verrai sous tes chairs soyeuses et vermeilles Couverts d'un pétale à tromper les abeilles, Je verrai s'enfoncer les orbites en creux, L'ossature du nez offrir ses trous ombreux, Les dents rire sur la mâchoire dévastée