Tu rangeais en chantant pour le repas du soir Le pain blond, du laitage et le fruit de nos treilles, Autour d'un rayon d'or formé par les abeilles ; Et te voici qui viens tout près de moi t'asseoir.
Il a plu ; l'air mouillé répand une odeur verte, Le fifre d'un insecte invisible au plafond Alterne avec le bruit que les gouttes d'eau font Sur des feuilles au bord de la croisée ouverte.
Nous rêvons, accoudés sur la nappe, devant Les mets simples auxquels nul de nous deux ne touche. Nous nous taisons ; parfois tu poses sur ma bouche Ton bras nu qui frissonne au souffle frais du vent.
La fenêtre faisant un cadre au paysage Se peint avec les bois et l'horizon natal Sur les flancs ronds et purs d'un vase de cristal Dont le courbe miroir nous grossit le visage.
Là-bas, le ciel d'automne est rouge et soucieux. Ô doux et longs instants d'amour ! Le crépuscule Décolore déjà l'univers minuscule Qui diaprait l'azur de la buire et nos yeux.
Ton coeur frappe à la place où ma tête s'appuie, Nous écoutons les fruits tomber dans le jardin, Pensifs, et tressaillant ensemble quand, soudain, Le vent secoue un arbre encor chargé de pluie.
Alors, et bénissant le jour qui va finir, Comme deux voyageurs, d'un regard en arrière, Nous laissons dans l'ardeur d'une même prière Et nos mains et nos voix et nos âmes s'unir.