Oui ; de ta bouche enfantine Donne-moi dans ces vergers Autant de furtifs baisers Qu'Ovide en prit à Corine ; Autant (je n'en veux pas plus) Qu'il naît d'amours sur tes traces, Qu'on voit jouer de Vénus Et de beautés et de grâces, Sur ton sein, entre tes bras, Dans ton délicat sourire, Dans tout ce que tu sais dire,... Et ce que tu ne dis pas ; Autant que ton oeil de flamme, Armé de séductions, Lance d'aimables rayons, Et de traits qui vont à l'âme, De voluptueux désirs, De rapides espérances, Et d'amoureuses vengeances, Signal de nouveaux plaisirs ; Autant que nos tourterelles Roucoulent de tendres feux, Quand le printemps de ses ailes Semble caresser ces lieux.
Alors, si trop de faiblesse Me fait toucher à ma fin, Je dirai ? Viens, ma maîtresse, Recueille-moi dans ton sein. Que le vent de ton haleine Mêle mon âme à la tienne ; Sa chaleur va m'embraser : A cette âme évanouie Rends et souffle encor la vie Dans un long et doux baiser...
De la rapide jeunesse Saisissons tous les instants : Bientôt la froide vieillesse Vient conduite par le temps, Hélas ! Et par la sagesse. Ô ma Thaïs ! Le plaisir A l'éclat des fleurs nouvelles, L'inconstance du zéphir ; Comme lui prompt à nous fuir, Il se fane aussitôt qu'elles.